La violence verbale et physique subie par les arbitres
Le phénomène n’est pas local mais mondial. Au Canada, le phénomène atteint des sommets vertigineux dans le hockey sur glace, selon une étude d’envergure menée par le Pôle sports HEC Montréal. 80% des nouveaux arbitres range leur sifflet après une seule saison, victimes de violences !
Pour les besoins de la cause, nous avons décidé de nous intéresser spécifiquement au football. Ce constat nous interpelle, en particulier sur les raisons de ce phénomène et sur celles et ceux qui en font leur quotidien à chaque rencontre. Et sur les remèdes.
Chez nous ? Que se passe-t-il sur et aux abords des terrains ? Nous nous sommes approchés du responsable de la commission arbitrale de l’ANF (Association Neuchâteloise de Football), Cédric Fuchs et de l’arbitre international neuchâtelois, Lionel Tschudi.
Sur le plan national et régional, assistons-nous à une diminution des effectifs dans le corps arbitral ?
Cédric Fuchs : Etonnamment non ! Nos effectifs sont restés stables ces six dernières années. Une baisse a été constatée post-covid mais comme dans de nombreuses autres associations. Depuis environ un an, nous notons même une augmentation des inscriptions.
Lionel Tschudi : Je n’ai malheureusement pas de statistiques précises sur le sujet concernant l’arrêt des arbitres dès leur première année. Cependant, d’après mon expérience, cet abandon est davantage lié à l’investissement et à la disponibilité requis, ainsi qu’au manque de reconnaissance de la fonction, plutôt qu’aux violences subies.
Constatons-nous une renonciation de certains arbitres après un court exercice et quelles en seraient les principales raisons ?
Cédric Fuchs : Effectivement ! Les statistiques nationales indiquent un nombre important d’arbitres qui démissionnent dans les trois premières années. Les motifs principaux étant le manque de valorisation de la fonction, un phénomène lié aux insultes, menaces et dénigrement de la fonction.
Il y a également la difficulté de progresser rapidement dans la hiérarchie, d’obtenir plus rapidement une qualification plus élevée. Beaucoup se voient arbitrer des matchs de ‘Champions League’ après seulement trois années de terrain.
Victime d’une violence, comment réagissez-vous ? Y a-t-il des recettes ? Vous forme-t-on à faire face à de telles situations ?
Lionel Tschudi : Heureusement ! Je n’ai jamais été confronté à une quelconque violence physique et je n’ai jamais eu besoin d’un accompagnement spécifique à ce sujet. En revanche, j’ai travaillé avec plusieurs préparateurs mentaux pour mieux gérer les critiques, les répercussions médiatiques, ainsi que les réactions des supporters après une décision controversée.
La majorité des violences sont-elles physiques ou verbales et concernent-elles plutôt les jeunes ou les adultes ?
Cédric Fuchs : Nous avons, par chance, peu voire pas de cas de violence physique, constatée ou répertoriée envers nos arbitres. Par contre les violences verbales, les menaces et les insultes sont de plus en plus fréquentes dans les rapports de nos arbitres. C’est peut-être, là aussi, un problème de génération. Le manque de respect, ou l’attention, la vision que l’on porte à cette attitude, a évolué. Dans ce registre, les jeunes comme les adultes sont concernés. Cette augmentation est particulièrement inquiétante chez les très jeunes.
Pour l’immense majorité du public, un jeu sans règles n’existe pas. Or, ces agresseurs sont-ils ignorants au point de s’infliger un superbe autogoal ?
Lionel Tschudi : Tout le monde connaît la célèbre phrase : “Sans arbitre, pas de match”. Malheureusement, elle est souvent vite oubliée lorsque les émotions prennent le dessus. Il est essentiel de sensibiliser tous les acteurs du football à l’importance du respect, qu’il s’agisse des adversaires, des arbitres ou de toute autre personne impliquée dans le jeu.
Quels sont les auteurs de voies de fait ? Joueurs, entraîneurs, dirigeants et / ou spectateurs ?
Cédric Fuchs : Toutes ces catégories sont concernées. Mais il est vrai que les spectateurs sont trop souvent impliqués ou en sont les « motivateurs ».
Le sport, dit-on, est le reflet de notre société. L’est-il vraiment en cette fin d’année 2024 pour le moins agitée ?
Lionel Tschudi : Le football est le sport le plus populaire et le plus multiculturel au monde. À bien des égards, il reflète notre société, avec ses qualités et ses défauts, ses réussites et ses défis.