RETOUR ET REGARD SUR LES SIXTIES !
par François Pahud, journaliste, membre de l’ANPS.
«Admirable élan en faveur de Xamax». Ce titre paru en tête d’une page de L’Express du 10 avril dernier n’aurait pas été imaginable il y a 50 ans car Xamax n’inspirait alors pas, loin de là, la sympathie dont il jouit aujourd’hui. Pensionnaire de la 1ère Ligue depuis 1960, le club déjà cher à la famille Facchinetti ne cachait pas son ambition de grimper plus haut, ce qui lui valait de nombreuses inimitiés.
Lorsque, venant du canton de Vaud, je suis arrivé à Neuchâtel en 1964, j’ai été surpris par l’ambiance. Les footballeurs, en général, prenaient mal la volonté de Xamax de disputer l’hégémonie locale au FC Cantonal, «le» club de la région. Pourtant, celui-ci peinait à convaincre depuis une décennie. Son ultime séjour en Ligue nationale A (1963-1965) cachait mal un déclin inexorable. Une situation reçue 5 sur 5 dans le camp xamaxien.
Installé depuis 1964 sur le stade fraîchement inauguré de Serrières, le club rouge et noir préparait patiemment son ascension en Ligue nationale B (1966), tandis qu’à la Maladière, Cantonal tombait en Ière Ligue. Paradoxalement (le poids de l’histoire!), Xamax dut jouer durant plusieurs saisons sur le stade banlieusard, ne bénéficiant qu’exceptionnellement de la Maladière toujours occupée par Cantonal.
En juin 1969, un événement fit naître un nouvel état d’esprit: la fondation de Neuchâtel-Sports, association faîtière rassemblant une douzaine de clubs du chef-lieu, sous l’impulsion d’un personnage neutre, Alphonse Roussy. Cantonal en était la section de football. En sacrifiant son nom original, Cantonal perdit une bonne part de son identité, facilitant ainsi la fusion avec Xamax. Celle-ci allait se concrétiser le 16 juin 1970. Neuchâtel Xamax était né mais pas encore accepté par tous. Trois ans plus tard, il montait en Ligue nationale A, entraînant alors rapidement la population dans son sillon. Et sous la présidence dynamique et généreuse de Gilbert Facchinetti, vint pour les rouge et noir une période riche en prouesses, concrétisée par deux titres nationaux et de nombreux exploits en Coupe d’Europe. La Suisse sportive avait alors les yeux souvent fixés sur la Maladière.
Pendant ce temps, le FC La Chaux-de-Fonds s’illustrait sur sa pelouse de La Charrière où, malgré les hivers trop longs, il tenait tête aux meilleurs. Son 3e et dernier titre national date de 1964, année où il fut également finaliste de la Coupe de Suisse, épreuve qu’il a par ailleurs remportée à six reprises! La relégation en Ligue B suivra de peu, puis le retour en élite en 1971, pour une saison, avec à la présidence Freddy Rumo, que l’on retrouvera ensuite à la tête de l’ASF et au comité de l’UEFA.
1964 fut également faste pour le FC Le Locle, promu dans une Ligue B qu’il fréquenta trois ans, avant de retomber jusqu’en IIe ligue. On entend alors pour la première fois parler d’un jeune entraîneur, Bernard Challandes, qui remontera l’équipe de la Mère Commune en Ligue B en 1984, hélas pour une seule saison, avant d’être appelé à La Chaux-de-Fonds.
Restons dans le Haut pour rappeler l’aventure exceptionnelle du HC La Chaux-de-Fonds, champion de Suisse six ans d’affilée, de 1968 à 1973. Des titres rendus possibles par la conjonction de plusieurs éléments réunis par le président Charles Frutschi: une pléiade de jeunes joueurs locaux talentueux, la couverture de la patinoire (chose rare à cette époque), un entraîneur- joueur (Gaston Pelletier) à son zénith, et quelques renforts ambitieux. Grâce à une préparation physique estivale alors sans pareille, le HCC a dominé le championnat jusqu’à ce que ses adversaires imitent ses pratiques, puis le dépassent. Durant cette période faste, l’équipe nationale n’était autre que le HCC, président et entraîneur compris, renforcé par quelques éléments extérieurs. Les fans de hockey du canton accouraient aux Mélèzes, franchissant La Vue-des-Alpes malgré la neige et le verglas…
Au moment où le HC La Chaux-de-Fonds prenait son envol, l’autre grand club de hockey du canton, Young Sprinters Neuchâtel, entamait une lente descente. Trois fois vainqueur de la Coupe de Suisse (la dernière en 1963), Young Sprinters attirait lui aussi les passionnés de hockey venus de loin. Mais, sans toiture, sa patinoire prenait l’eau et, petit à petit, le club en a fait autant. Relégué en Ligue B en1965, YS est remonté l’année suivante en LNA, au terme d’un épique match d’appui à Lucerne, contre Ambri-Piotta. Malgré une clavicule fracturée, Orville Martini inscrivit 4 des 6 buts de son équipe! L’aventure en Ligue A n’a pas duré et, depuis 1967, Young Sprinters a navigué entre la Ligue B et la 1ère Ligue en vivant des heures passionnantes et d’autres nettement moins réjouissantes! Les derbies contre le CP Fleurier, club phare du Val-de-Travers en Ligue B comme en 1ère Ligue, excitaient particulièrement les passions dans les deux camps. C’était chaque fois «un événement à risques», dirait-on aujourd’hui. A part cela, Fleurier peut se vanter d’avoir fourni de nombreux joueurs de talent au hockey helvétique.
Le basketball vivait dans l’ombre des deux principaux sports d’équipe. Neuchâtel-Sports connut cependant des heures exaltantes, qui incitèrent à bâtir en hâte le Panespo pour accueillir un tournoi européen. Au fil des ans, s’est fait sentir le besoin de fusion avec le concurrent local, Union.
Les années 80-90 ont été marquées par le développement du volleyball et de sports individuels: course à pied, VTT, snowboard. La natation a, pour sa part, pris une place de choix grâce aux multiples médailles suisses et européennes de Stéfan Volery. L’athlétisme aussi, a connu un bel essor. Il y eut le record de Jean-Pierre Egger au lancer du poids (20m.25 le 9 juin 79) et l’engagement sans limite de deux hommes, Claude Meisterhans au CEP Cortaillod et René Jacot à La Chaux-de-Fonds. La gymnastique a également vécu de belles heures avec les titres nationaux de Jean-Pierre Jaquet (Serrières) et Flavio Rota (Le Locle), suivis des succès d’équipe de la FSG Serrières. On voyait, par contre, s’estomper d’autres disciplines dont l’aviron, qui avait valu le bronze olympique à Denis Oswald, à Mexico (68), et l’escrime qui a permis aux Chaux-de-Fonniers Michel Poffet et Patrice Gaille d’enlever force médailles olympiques et mondiales.
Ainsi va la vie…